Moi, Donald Beaulieu — fils d’Élie, père de Guillaume et Catherine
- Agneaux de Laval

- 23 août
- 3 min de lecture
Je suis né sur le boulevard Saint-Elzéar, à Laval, dans une maison entourée de champs, de bêtes et de souvenirs. Ma mère, Marielle Cloutier, elle, avait une force différente — douce, mais bien ancrée. Toujours entre la cuisine et le jardin, elle savait nourrir autant les corps que les cœurs. C’est elle qui m’a appris que prendre soin, ce n’est pas juste remplir une assiette, c’est offrir du temps, de l’attention, de la chaleur. Elle avait ce don de faire pousser autant les légumes que les gens autour d’elle. Mon père, Élie Beaulieu, était un homme de la terre. Il élevait des vaches, des bœufs, des cochons, des poules, mais principalement, il cultivait des fruits et légumes du Québec avec une rigueur tranquille et une fierté silencieuse. Il ne parlait pas beaucoup, mais chaque geste était une leçon. Il m’a appris que la terre ne se possède pas — elle se mérite.
J’ai grandi dans cette école là. Pas celle avec des pupitres — celle avec des bottes, des bêlements, des récoltes. Et quand le temps est venu, j’ai voulu bâtir quelque chose à moi, dans le respect de ce que mon père m’avait transmis.
C’est avec Véronique Lefebvre, ma partenaire de l’époque et mère de mes enfants, que tout a vraiment commencé. Ensemble, on a fondé Serres Beaulieu, sur l’avenue des Perron à Laval. Elle avait un don rare — elle comprenait les plantes comme on comprend une langue secrète. Elle savait parler aux gens, les accueillir, les conseiller. Et en comptabilité, elle était redoutable : chaque chiffre avait son sens, chaque décision était réfléchie. Moi, je m’occupais du sol, des semis, de la logistique. On formait une équipe solide, complémentaire, humaine.
Les serres ont fleuri, au propre comme au figuré. On cultivait du vrai, du local, du vivant. Les gens venaient pour acheter, mais surtout pour échanger. C’était un lieu de proximité, de chaleur, de savoir-faire.
Mais avec le temps, mon appel vers l’élevage est revenu. C’était dans mon sang, dans mes souvenirs d’enfance. Alors j’ai pris une décision difficile : fermer les serres, et me consacrer entièrement à un nouveau projet — Agneaux de Laval, à Sainte-Dorothée. Une ferme spécialisée, mais ouverte. On y élève des agneaux sans hormones, nourris naturellement, et on y prépare des produits maison qui racontent notre terroir : saucisses, cretons, poulet rôti. Je voulais que les gens viennent voir, toucher, goûter. Que les enfants comprennent que leur nourriture ne vient pas d’une tablette, mais d’un sol vivant.

Avec Véronique, nous avons eu deux enfants : Guillaume et Catherine. Ils ont grandi entre les rangs de tomates et les enclos d’agneaux. Ils m’ont aidé, souvent. Guillaume, toujours curieux, toujours en train de comprendre comment les choses fonctionnent. Catherine, vive, intuitive, avec un don naturel pour les animaux. Ils n’ont jamais fui la ferme — mais ils n’ont jamais été forcés d’y rester non plus.
Aujourd’hui, Véronique et moi avons pris des chemins différents. Mais ce que nous avons construit ensemble, ça reste. Les serres ont fermé, oui, mais elles ont laissé une trace. Et mes enfants, eux, m’aident encore. Ils sont là pour les gros coups, pour les événements, pour les imprévus. Mais ils n’ont pas pris le flambeau. Pas encore. Et je ne leur demande pas. Parce que ce que mon père m’a transmis, ce n’était pas une obligation — c’était une passion. Et ça, ça ne se commande pas.
Je regarde ce qu’on a bâti. Agneaux de Laval, bien enracinés à Sainte-Dorothée. Et mes enfants, libres, présents, conscients. Je me dis que mon père Élie, s’il était là, il ne dirait rien. Il ferait juste hocher la tête, avec ce petit sourire discret qu’il réservait aux moments où il était vraiment fier.




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